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La peine d'interdiction du territoire français d'un étranger en matière correctionnelle :
Certaines règles s'appliquent en la matière.
Tout d'abord il faut veiller au respect de l'article 41 alinéa 8 du code de procédure pénale :
Lorsqu'un étranger fait l'objet de poursuites pénales susceptibles d'entraîner le prononce d'une interdiction du territoire français, l'étranger mis en cause ou son avocat doit veiller à déclarer qu'il se trouve dans l'une des situations qui rend impossible ou difficile le prononce d'une telle peine.
Ces situations protectrices sont décrites aux articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal.
Ces situations seront décrites ci-après.
Si l'on se retrouve dans le cadre de ces deux textes, le procureur de la république ne peut pas requérir l'interdiction du territoire français s'il n'a pas saisi au préalable l'officier de police judiciaire ou le travailleur social ou en cas d'impossibilité matérielle le SPIP afin qu'ils puissent vérifier le bien fondé de cette déclaration de situations faite par le mis en cause ou son avocat.
Ainsi, lorsque le risque d'une interdiction de territoire est en jeu, il est important de vérifier que cette règle a été respectée.
Si le procureur de la république requiert cette interdiction alors qu'il n'a pas fait procéder à la vérification, il est possible de soulever l'irrégularité tiré du non respect des dispositions de l'article 41 alinéa 8 du code de procédure pénale et donc demander au tribunal de ne pas faire droit à cette demande d'interdiction du territoire français.
Si le procureur a respecté l'article 41 alinéa 8 du CPP, et s'il requiert le prononcé d'une interdiction du territoire français, il convient de se référer aux deux textes du code pénal pour savoir si cette interdiction peut être prononcée ou non.
A/
Tout d'abord, l'article 131-30-2 du Code pénal prévoit que la peine d'interdiction du territoire français ne peut être prononcée lorsqu'est en cause :
1° Un étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;
2° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;
3° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins quatre ans avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation et que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ou, sous les mêmes conditions, avec un ressortissant étranger relevant du 1° ;
4° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;
5° Un étranger qui réside en France sous couvert du titre de séjour prévu par le 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.
Les dispositions prévues au 3° et au 4° ne sont toutefois pas applicables lorsque les faits à l'origine de la condamnation ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par les chapitres Ier, II et IV du titre Ier du livre IV et par les articles 413-1 à 413-4, 413-10 et 413-11, ni aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV, ni aux infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous prévues par les articles 431-14 à 431-17, ni aux infractions en matière de fausse monnaie prévues aux articles 442-1 à 442-4.
En dehors de ces situations (sauf exceptions décrites plus haut), l'interdiction du territoire français ne peut pas être prononcée.
La Défense doit donc veiller à soulever cette impossibilité et prouver que l'on se retrouve dans cette situation pour éviter le prononce de l'interdiction.
B/
L'autre texte l'article 130-31-1 du Code pénal prévoit au contraire qu'en matière correctionnelle, le tribunal correctionnel ne peut prononcer l'interdiction du territoire français que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger lorsqu'est en cause :
1° Un étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;
2° Un étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation, que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;
3° Un étranger qui justifie par tous moyens qu'il réside habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ;
4° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ;
5° Un étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %.
Ainsi, les cas décrits ci-dessus peuvent donner lieu au prononcé d'une interdiction du territoire français, mais le tribunal doit spécialement motiver sa décision au regard des critères suivants :
Si la décision n'est pas motivé au regard de ces deux critères, le jugement peut être attaqué.
Dans une affaire, un étranger est condamné pour infraction à la législation des stupéfiants en récidive légale.
Outre la peine d'emprisonnement ferme qui est encourue, cette personne étrangère se voit condamné à 5 ans d'interdiction du territoire français par la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bastia.
Cet étranger se prévalait des dispositions de l'article 131-30-1 du Code pénal.
Pour autant, la cour d'appel relevait dans les pièces produites par La Défense que cet étranger était père d'une enfant mineure mais ne justifiait d'aucune ressource depuis septembre 2010.
Les juges en concluaient que n'ayant aucune ressources, l'étranger ne prouvait pas qu'il assurait une contribution effective depuis au moins un an à l'entretien et à l'éducation de sa fille, ce malgré l'attestation remise par la mère de l'enfant à cette fin qui a été considéré comme étant insuffisante à rapporter cette preuve ;
Ce dernier intente un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation approuvait le raisonnement adopté par la cour d'appel qui mentionnait expressément que l'étranger ne remplissait pas les conditions posées par le texte du code pénal pour éviter l'interdiction du territoire français.
Par ailleurs, son avocat invoquait le non respect des dispositions de l'article 41 alinéa 8 du code de procédure pénale, faisant valoir que le procureur avait requis l'interdiction du territoire français sans avoir saisi les institutions destinées à vérifier la situation personnelle, familiale et matérielle de l'intéressé.
Bien que l'avocat avait sans doute raison, la cour de cassation ne retient pas cet argument car il était soulevé pour la première fois devant la cour de cassation et donc cet argument a été rejeté comme étant irrecevable.
Cass. Crim, 9 mars 2016, N 15-82049
En effet, comme il a été rappelé précédemment, il faut absolument veiller à vérifier le respect des dispositions de l'article 41 alinéa 8 du CPP et l'évoquer en audience. Sinon cet argument ne pourra plus jamais être prise en compte.
Peut on être condamné pour importation en contrebande de marchandises prohibées (stupéfiants) alors que pour la même affaire on bénéficie d'une relaxe pour importation de stupéfiants ?
Dans une affaire, deux collègues e travail (un chauffeur principal et un second chauffeur) assuraient le transport de fruits et légumes entre Murcie et la Roumanie.
Arrivés à Barcelone, le responsable du trajet assure le chargement du camion tandis que le second chauffeur se trouvait dans la couchette du véhicule.
Lors du contrôle routier, les agents des douanes découvrent six colis contenant des sacs remplis de cannabis qui étaient dissimulés dans la remorque.
Les deux personnes sont poursuivis pour infraction à la législation des stupéfiants et importation en contrebande de marchandises prohibées.
Le responsable de trajet met son collègue hors de cause. Il est alors condamné pour les deux infractions.
Quant au second chauffeur, qui était mis hors de cause par le responsable, la Cour d'Appel d'Aix en Provence considère que s'il est étonnant qu'il n'ait pas entendu le chargement du camion ni n'ait senti l'odeur de cannabis , il n'est pas possible d'affirmer avec certitude qu'il avait connaissance de ce chargement et qu'il n'est pas possible de déduire de sa seule présence dans la couchette du camion le fait qu'il pouvait être au courant et s'être aperçu du chargement.
Dans le doute, la Cour le relaxe des faits d'importation de produits stupéfiants, relevant que le casier judiciaire ne fait apparaître aucune condamnation.
Mais considérant qu'il était détenteur de produits stupéfiants transportés dans le camion au même titre que le chauffeur principal, puisqu'il conduisait à tour de rôle, la Cour considère qu'il doit être réputé responsable de fraude ce d'autant plus que sa relaxe pour importation de stupéfiants n'est prononcé qu'au bénéfice du doute.
La Cour le déclare coupable pour importation en contrebande de marchandises prohibées et le condamne au paiement d'une amende douanière de 94 430 €.
Cela peut apparaître paradoxal et contradictoire qu’on soit relaxé pour importation de stupéfiants et que pour les mêmes faits, on soit quand même condamné pour importation en contrebande de marchandises prohibées (en l’occurrence des produits stupéfiants).
Comment peut on expliquer cette curiosité ?
S’agissant des faits d’importation de stupéfiants, le second chauffeur est relaxé au bénéfice du doute.
L’article préliminaire du Code de procédure pénale rappelle que la personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie.
Conformément à l’article 427 du Code de procédure pénale, le juge se forgera son opinion sur la culpabilité de la personne, d’après les preuves qui seront apportées au cours des débats et qui seront discutées, et décidera d’après son intime conviction.
Si le tribunal estime que le fait constitue un délit, il prononce la peine (article 464 du CPP).
Dans le cas contraire, ou si le fait n’est pas imputable au prévenu, il prononce la relaxe (article 470 du CPP).
Ainsi, l’on peut déjà expliquer que le doute (contraire de la certitude) a conduit la Cour à ne pas déclarer coupable le second chauffeur de l’importation de stupéfiants.
S’agissant de l’importation en contrebande de marchandises prohibées, il faut d’abord expliquer que la contrebande consiste à détenir et transporter illégalement (importations ou exportations) des marchandises interdites au travers des frontières (article 417 et suivants du Code des douanes).
Alors que comme on l’a vu : l’innocence (la bonne foi) du mis en cause est en principe présumé, le Code des douanes pose un principe contraire de présomption de fraude sur le détenteur de ces marchandises prohibées.
En effet, l’article 392 du Code des douanes énonce que le détenteur de marchandises est réputé responsable de la fraude.
Ainsi, le second chauffeur est réputé être fraudeur du seul fait qu’il est considéré comme étant détenteur des produits stupéfiants.
Il faut donc absolument combattre cette présomption : il ne suffit pas de clamer son innocence. Il est contraint de rapporter la preuve qu’il n’a jamais été détenteur ou s'il est détenteur qu'il est de bonne foi.
C’est parce qu’il n’a pas pu rapporté cette preuve que la Cour, observant qu’il a également conduit le camion, énonce qu’il doit néanmoins être considéré comme détenteur réputé responsable de la fraude.
Et c’est au visa de l’article 414 du Code des douanes que la Cour le déclare coupable de délit douanier de première classe et le condamne à une amende douanière comprise entre une et deux fois la valeur de l’objet de la fraude, soit pour un montant de 94 430 €.
La Cour de cassation valide cette appréciation de la Cour d’Appel d’Aix en Provence, considérant que cette décision ne méconnaît pas le principe de la présomption d’innocence.
Cass. Crim., 9 mars 2016, N°14-86259
Par un autre arrêt du même jour, s'agissant de l'infraction d'importation non déclarée de marchandises prohibées (mascaras contrefaisant les marques Helena Rubinstein et Maybelline Colossal), la Cour de Cassation rappelle que le détenteur d'une marchandise impportée en fraude ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en démontrant sa bonne foi.
Cass. Crim., 9 mars 2016, N°15-80766
Dans un autre arrêt postérieur, la Cour de cassation casse un arrêt de la Cour d'Appel de Montpellier, qui avait relaxé un individu de finfractions à la législation sur les stupéfiants et importation en contrebande de marchandises prohibées (stupéfiants), en rappelant que la Cour d'Appel n'a pas justifié sa décision en ne relevant pas que le prévenu ait établi sa bonne foi en rapportant la preuve des diligences effectuées pour s'assurer de la nature des marchandises transportées.
Cass. Crim., 23 mars 2016, N°15-80538
En conséquence, il convient d’être très vigilant sur les principes et les textes applicables, afin d’alerter le client sur les risques encourus et afin d’assurer au mieux sa défense.
Le droit du travail est-il applicable aux détenus travaillant pour le compte d’une société bénéficiant d’un contrat de concession avec la maison d’arrêt ?
L’article L 1221-1 du Code du travail énonce que le contrat de travail peut être établi selon les formes que les parties l’ont souhaité et qu’il est soumis aux règles du droit commun.
L’article L 1221-2 pose le principe selon lequel le CDI est la forme normale et générale de la relation de travail (le CDD étant une exception).
Le contrat de travail est une relation qui implique l’existence d’un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’une personne qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements.
Dans une affaire, une condamnée détenue est engagée en qualité de téléopératrice dans le cadre d’un engagement à durée indéterminée, à compter du 21 juillet 2010, par une société bénéficiant d’un contrat de concession avec la maison d’arrêt de Versailles.
Le 7 avril 2011, en raison d’une faute professionnelle, la société adresse à la maison d’arrêt une demande tendant à déclasser la détenue de son emploi, et l’administration pénitentiaire fait droit à cette demande.
Ainsi, le 8 avril 2011, la détenue est « virée de son boulot ».
Constatant que le texte (l’article D 99 du Code de procédure pénale) prévoyant que « l’inobservation par les détenus des ordres et des instructions donnés pour l’exécution d’une tâche peut entraîner la mise à pied ou le déclassement de l’emploi» a été abrogé par le décret n°2010-1635 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire, elle décide d’attaquer cette sanction devant le Conseil de Prud’hommes.
La détenue charge donc un avocat pour lancer une procédure prud’homale, pour faire reconnaître l’existence d’un contrat de travail, annuler la sanction de déclassement de son emploi et le faire qualifier de licenciement abusif pour obtenir des dommages et intérêts, et solliciter le bénéfice de congés payés qu’elle n’a jamais bénéficié sur l’ensemble de la période travaillée.
Elle invoque :
Or, toutes ses demandes vont être rejetées.
Concernant tout d’abord, son exclusion de l’entreprise, la détenue contestait les motifs de son déclassement de son emploi en date du 7 avril 2011, et invoquait l’abrogation de l’article D. 99 du Code de procédure pénale le 23 décembre 2010.
En réalité, la détenue oubliait que l’abrogation de l’article D 99 laissait place au lendemain du 23 décembre 2010, à l’institution d’un nouvel article D 432-4 dans le Code de procédure pénale qui prévoit que :
« Lorsque la personne détenue s’avère incompétente pour l’exécution d’une tâche, cette défaillance peut entraîner le déclassement de cet emploi ».
Ainsi, si le risque de mise à pied n’est plus envisagé, en revanche la possibilité d’un déclassement de son emploi existait toujours le 7 avril 2011.
Concernant les demandes de la détenue de se voir reconnaître le statut de salariée, elle ne pouvait pas prétendre, au vu des textes applicables, à l’existence d’un contrat de travail et au bénéfice de certaines dispositions du Code du Travail.
En effet, l’article 717-3 du Code de procédure pénale pose le principe selon lequel les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail.
Il peut être dérogé à cette règle pour les activités exercées à l’extérieur des établissements pénitentiaires.
Mais, si cette dérogation n’est pas expressément formulée, le détenu ne pourra jamais se prévaloir de l’existence d’un contrat de travail.
Ainsi, la détenue ne pouvait pas demander le bénéfice de ses congés payés, dont elle n’a jamais pu bénéficier durant toute la période travaille, puisque l’article L 3141-1 du Code du travail rappelle que seul le salarié peut prétendre chaque année à un congé payé à la charge de l’employeur.
A défaut d’obtenir la consécration d’un contrat de travail et d’être considéré comme salariée, la détenue ne pouvait donc solliciter le bénéfice de ses congés payés.
Cette position est approuvée par la Cour de Cassation.
Cass. Sociale., 18 mars 2016, N°14-25870
Enfin, même si l’on conçoit que la détenue puisse contester les raisons du déclassement à son emploi, elle ne pouvait pas prétendre à la requalification du déclassement en un licenciement abusif dans la mesure où elle n’est pas salariée, ce d’autant plus que la juridiction prud’homale ne peut être compétente pour apprécier le bien fondé ou non d’une sanction à caractère administrative.
Si les détenus ne bénéficient en principe d’aucun contrat de travail, il est important de préciser qu’en revanche les mesures d’hygiène et de sécurité prévues par le Code du Travail sont applicables aux travaux effectués par les détenus, que ce soit dans les établissements pénitentiaires, ou que ce soit à l’extérieur (article D 433-7 du CPP).
Ils peuvent également obtenir le droit à réparation des accidents du travail et maladies professionnelles, conformément aux dispositions du Code de la sécurité sociale (article D 433-9 du CPP).
Leur rémunération ne peut être inférieure au taux horaire de 20 à 45% du SMIC, en fonction du classement de leurs emplois (article D 432-1 du CPP), et donnent lieu au reversement des cotisations sociales aux organismes de recouvrement, à cotisations patronales et ouvrières pour les assurances maladie, maternité et vieillesse
Ces rémunérations sont versées sur le compte nominatif du détenu, dont la première part est affectée à l’indemnisation des parties civiles et les créanciers d’aliments, la deuxième part est affectée à la constitution du pécule de libération et la troisième part est destinée à la libre disposition des détenus (articles D 319 et suivants du CPP).
La comparution de l’accusé par visio-conférence devant la chambre de l’instruction est elle compatible avec les exigences de la publicité de l’audience ?
Dans une affaire, un accusé pour viols aggravés est déclaré coupable et condamné à 10 ans de réclusion criminelle par la Cour d’Assises. Il est écroué le 9 octobre 2015. Il interjette appel de cette décision judiciaire le 12 octobre 2015. En faisant appel, il se trouve sous le statut de détenu provisoire. Il présente donc une demande de mise en liberté le 2 décembre 2015.
Depuis la maison d’arrêt de NEVERS, il comparait par visio-conférence à l’audience qui se tient le 15 décembre 2015 devant la Chambre de l’Instruction. A cette audience, son avocat est absent.
La Chambre de l’Instruction rejette sa demande de mise en liberté.
Son avocat forme alors un pourvoi en cassation.
Il soulève le fait que l’audience ne s’est pas déroulée dans des conditions conformes aux prescriptions légales.
En effet, le détenu souffrait d’acouphènes. Son avocat soutient qu’à l’audience, celui-ci se plaignait pendant sa comparution de ne pas bien entendre la teneur des débats.
Son avocat se plaint également devant la Cour de Cassation de ce qu’aucun procès verbal d’opérations techniques de la visio-conférence n’a été communiqué, de sorte qu’il n’est pas possible de vérifier le bon déroulement de l’audience, la régularité de la procédure et le respect des droits de la défense.
Il ajoute que la publicité de l’audience s’impose tant dans la salle d’audience où siège la chambre de l’instruction que dans la salle de la maison d’arrêt de NEVERS où le détenu comparaît. Il invoque le fait que l’absence de publicité a nécessairement porté préjudice au détenu, dont les conditions de comparution et la bonne compréhension de ses droits, en l’absence de son avocat, n’ont pas pu être vérifiées.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la chambre de l’instruction, rejetant l’ensemble des arguments du détenu.
Cass.Crim., 16 Mars 2016, N° 15-87644
Quelques explications sont nécessaires pour comprendre les raisons pour lesquelles la Cour de cassation a rejeté l’ensemble des arguments du détenu.
Deux points seront évoqués : la publicité de l’audience et la visio-conférence, ainsi que les incidents techniques de la visio-conférence.
A/ La publicité de l’audience et l’usage de la visio-conférence
Tout d’abord, il convient de rappeler que la publicité des débats de la justice et du prononcé de la décision est de principe, sauf exceptions (article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme), ce qui permet à tout citoyen de pouvoir vérifier dans quelles conditions la justice est rendue.
Cette publicité suppose que les portes des salles d’audience doivent rester ouvertes et accessibles à tous.
Sauf dérogations, l’interdiction de l’accès au public aux audiences peut être une cause d’annulation du procès.
Devant la chambre de l’instruction, en matière de détention provisoire d’une personne majeure, les débats se déroulent en principe en audience publique et la décision judiciaire est également rendue en audience publique (sauf opposition des parties avant l’ouverture des débats si cette publicité peut être de nature à entraver les investigations en cours, si elle porte atteinte à la présomption d’innocence ou à la sérénité des débats ou si elle nuit à la dignité de la personne ou aux intérêts d’un tiers, ou dans le cas particulier de certaines enquêtes) : article 199 du Code de procédure pénale.
Dans l’affaire évoquée, rappelons que l’avocat est absent à l’audience.
Pourtant, il critique l’usage de la visio-conférence, en considérant qu’il ne permet pas la publicité de l’audience tant dans la salle d’audience de la chambre de l’instruction que dans la salle de la maison d’arrêt de NEVERS où le détenu comparaît.
La Cour de Cassation balaie cet argument, par deux observations :
Ainsi, bien que l’avocat soit absent de l’audience, il ne pouvait valablement soutenir que la publicité de l’audience n’avait pas été assurée, puisque tout citoyen avait bien accès à l’audience de la chambre de l’instruction.
Bien plus, il ne pouvait pas exiger que la salle de la maison d’arrêt de NEVERS puisse être ouverte au public, puisque la publicité de la justice ne concerne que l’accès du public aux audiences et surtout pas l’accès du public à la maison d’arrêt pour se rendre auprès du détenu !
Cette solution est logique et n’appelle pas d’autres observations.
Ainsi, l’usage d’une visio-conférence est compatible avec les exigences de la publicité de l’audience.
B/ Les incidents techniques de la visio-conférence.
L’avocat du détenu invoquait par ailleurs l’existence de difficultés techniques lors de l’usage de la visio-conférence et donc le mauvais déroulement de l’audience.
Avant d’analyser cet argument, il convient au préalable d’apporter des précisions sur l’usage de la visio-conférence.
La visio-conférence est un moyen de télécommunication visuelle au cours de procédures pénales, prévue aux articles 706-71 et R 53-33 à R 53-39 du Code de procédure pénale.
Lorsque c’est nécessaire et à la condition que la confidentialité de la transmission soit garantie, la visio-conférence peut être utilisé :
L’usage de la vision-conférence est également possible en audience de jugement, pour entendre les témoins, les parties civiles, les experts et également pour la comparution du prévenu devant le tribunal correctionnel si celui-ci est détenu.
C’est également possible :
L’usage de cette visio-conférence rend obligatoire la rédaction d’un procès verbal mentionnant les opérations techniques qui y sont effectuées.
Les caractéristiques techniques de la visio-conférence doivent assurer une retransmission fidèle, loyale et confidentielle à l’égard des tiers (article R 53-38 du CPP).
Tout incident technique doit être mentionné au procès-verbal.
A ce stade, l’accord de l’intéressé n’est pas requis pour l’utilisation de la visio-conférence.
Sauf, lorsqu’il s’agit d’une audience destinée au placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire, la personne détenue peut refuser l’utilisation de la visio-conférence, sauf si son extraction de la maison d’arrêt doit être évitée en raison de risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion.
Dans l’ensemble de ces hypothèses, si la personne est assistée d’un avocat, celui-ci peut se trouver auprès du magistrat ou auprès de l’intéressé.
Si l’avocat se trouve au palais de justice, il a le droit de s’entretenir avec le détenu, de façon confidentielle, en utilisant la visio-conférence.
Si l’avocat se trouve avec le détenu en maison d’arrêt, une copie du dossier doit être mise à sa disposition dans les locaux de détention, sauf si la copie du dossier lui a déjà été remise.
Enfin, la visio-conférence peut être utilisée si la personne a besoin d’un interprète, qui se trouve dans l’impossibilité de se déplacer.
Revenons à notre affaire :
L’avocat se plaint du mauvais déroulement de l’audience, en invoquant des difficultés de retransmission lors de l’usage de la visio-conférence du fait que son client détenu souffrait d’acouphènes, et invoquait l’absence de communication des procès verbaux des opérations techniques.
La Cour de Cassation rejette son argumentaire, en relevant que contrairement à ce qui est invoqué par l’avocat, les procès verbaux des opérations techniques ont bien été établis et ne font état d’aucun incident technique.
De plus, la Cour de Cassation relève qu’il ne ressort d’aucune pièce de l’audience ou de la procédure que le détenu se serait plaint d’une déficience auditive.
C’est dans ces conditions que la Cour de Cassation rejette les arguments du détenu et confirme l’arrêt de la chambre de l’instruction ayant rejeté se demande de mise en liberté.
Cette solution n’est pas critiquable, ce d’autant plus que l’avocat aurait dû être présent à l’audience, pour trois raisons principales :
Exception de nullité prise de l’irrégularité d’une fouille d'une sacoche sans consentement lors d’une palpation de sécurité :
Dans une affaire, le 19 avril 2014 à Le-Pont-de-Claix, des militaires de la gendarmerie effectuaient une surveillance générale quand ils ont cru reconnaître, devant un commerce, un dénommé X qui faisait l’objet d’une fiche de recherches émanant des brigades de recherches de Grenoble et de Saint-Marcellin concernant un trafic de véhicules volés.
Ils décident donc de contrôler cet individu qui conteste être formellement ce Monsieur X tant recherché.
Ne disposant pas de sa carte d’identité nationale, les gendarmes décident de l’amener dans les locaux de gendarmerie pour procéder à la vérification de son identité.
Dans ces locaux, ils procèdent à une palpation de sécurité sur sa personne et procèdent, sans son consentement, à une fouille de sa sacoche.
Les gendarmes découvrent dans la sacoche un faux permis de conduire et placé en garde à vue, l’individu reconnaît se nommer X.
Poursuivi pour cette infraction, la défense soulève in limine litis (avant toute défense au fond) une exception de nullité tendant à l’annulation de la mesure de fouille-palpation.
Le tribunal correctionnel rejette cette exception de nullité. Le dénommé X interjette appel du jugement.
De même, la Cour d’Appel de Grenoble rend un arrêt le 14 octobre 2014, rejetant l’exception de nullité, confirmant la culpabilité de Monsieur X pour détention de faux document administratif en récidive et le condamne à 4 mois d’emprisonnement ferme.
Pour la Cour d’Appel de Grenoble :
Il est alors formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt de la Cour d’Appel de Grenoble.
A juste titre, la Cour de Cassation casse et annule cet arrêt en toutes ses dispositions et renvoie l’affaire devant la Cour d’Appel de Chambéry pour qu’elle soit rejugée.
Cass. Crim, 23 mars 2016, N°14-87370
En effet, la palpation de sécurité opérée sur une personne, qui fait l’objet d’un contrôle d’identité, n’autorise pas l’officier de police judiciaire à procéder, sans l’assentiment de l’intéressé, à la fouille de sa sacoche, dès lors que cette palpation n’a pas préalablement révélé l’existence d’un indice de la commission d’une infraction flagrante.
Quelques explications son nécessaires :
Concernant le contrôle et la vérification d’identité ainsi que la palpation de sécurité, il est important de rappeler certaines règles :
Ce texte rappelle que le contrôle d’identité doit se dérouler dans des conditions qui assurent la dignité de la personne contrôlée.
L’article R 434-16 définit également la palpation de sécurité comme étant « exclusivement une mesure de sûreté » qui ne revêt pas un caractère systématique.
La palpation de sécurité est réservée aux cas dans lesquels elle apparaît nécessaire à la garantie de sécurité du policier ou du gendarme qui l’accomplit ou celle d’autrui.
Son but est de vérifier que la personne contrôlée n’est pas porteuse d’un objet dangereux pour elle-même ou pour autrui.
Enfin, le texte ajoute que « chaque fois que les circonstances le permettent, la palpation de sécurité est pratiquée à l’abri du regard du public ».
Concernant les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est légalement prévue :
L’article 76 du Code de procédure pénale indique que ces opérations ne peuvent se faire sans l’accord exprès de la personne chez laquelle l’opération a eu lieu.
Cet assentiment (ou accord) doit faire l’objet d’une déclaration écrite de la main de l’intéressé.
Si celui-ci ne sait pas écrire, il en est fait mention sur le procès verbal.
En cas de nécessité, en matière de crime ou délit puni d’une peine égale ou supérieure à 5 ans d’emprisonnement ou si la recherche de biens susceptibles d’être confisqués le justifie, ces opérations peuvent être effectuées sans l’assentiment de la personne chez qui elles ont lieu, mais uniquement sur décision du juge des libertés et de la détention, à la demande du procureur de la république.
La fouille dans les affaires personnelles d’une personne est assimilée à une perquisition, et donc est soumise au respect des dispositions de l’article 76 du Code de procédure pénale.
Revenons à notre affaire :
La personne est contrôlée sur son identité parce qu’elle fait l’objet d’une fiche de recherches et correspond au signalement des gendarmes.
Ne pouvant en justifier, il est emmené à la gendarmerie afin qu’il soit retenu et qu’il soit procédé à la vérification de son identité.
Il fait l’objet d’une palpation de sécurité sur sa personne.
Jusque là, l’application des règles du Code de procédure pénale est respectée.
Mais, en procédant à la fouille de sa sacoche, les gendarmes procèdent à une fouille des effets personnels qui est assimilée à une perquisition.
Alors qu’ils n’ont jamais obtenu l’accord exprès et écrit de l’intéressé, les gendarmes procèdent non seulement à la fouille de sa sacoche mais aussi à la saisie du faux permis de conduire, qui est l’objet des poursuites pénales.
La Cour de Cassation vient rappeler que les opérations de vérification d’identité avec palpation de sécurité ne permettent pas de fouiller les effets personnels de l’intéressé, sans son accord, et à procéder à la saisie du faux permis de conduire, alors qu’aucun élément n’était venu révéler l’existence d’un indice de la commission d’une infraction flagrante.
Ainsi, il sera possible devant la Cour d’Appel de Chambéry, amené à rejuger cette affaire, de soulever de nouveau l’exception de nullité de cette mesure de fouille-palpation, dans le cadre d’une opération de vérification d’identité en raison du non respect des règles du Code de procédure pénale susvisées, afin de lui demander d’écarter les pièces pénales subséquentes de saisie du faux permis de conduire et éviter la condamnation de l’intéressé pour faux document administratif en récidive (évitant ainsi sa condamnation à la peine de 4 mois d’emprisonnement qui lui avait été infligée), sauf appréciation différente et justifiée de la Juridiction d’appel.
Affaire à suivre…
NB : la palpation de sécurité consiste à appliquer les mains par dessus les vêtements de l’intéressé, destinée à rechercher des objets dangereux pour la sécurité des personnes.
A ne pas confondre avec la fouille intégrale des personnes ou fouille corporelle qui est strictement règlementée (article 63-7 du Code de procédure pénale)
De même, la fouille des véhicules et l’inspection visuelle des bagages ou leur fouille obéissent à d’autres règles spécifiques (Nouveaux articles 78-2-2, 78-2-3 et 78-2-4 issus de la loi n°2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs).
Excès de vitesse et absence au procès verbal de l’organisme chargé d’effectuer la vérification annuelle du radar vitesse :
Le radar vitesse ou dénommé « cinémomètre de contrôle routier » est un instrument permettant de mesurer et d’enregistrer la vitesse d’un véhicule.
Dans une affaire, un automobiliste est poursuivi et condamné devant la juridiction de proximité de Lyon pour un excès de vitesse relevé au moyen d’un cinémomètre. Il interjette appel de ce jugement.
Comme en première instance, il soulève devant la Cour d’Appel de LYON, avant toute défense au fond, la nullité du procès verbal de constatation de l’infraction, compte tenu du fait que le nom de l’organisme chargé d’effectuer la vérification annuelle du cinémomètre n’était pas mentionné sur le procès verbal.
La Cour d’Appel de LYON rejette l’exception de nullité, considérant qu’aucun texte n’exige à peine de nullité la mention au procès verbal du nom du service qui doit procéder à la vérification annuelle.
Cet arrêt est cassé par la Cour de Cassation.
Cass. Crim, 16 mars 2016, N°15-84593
En effet, pour la Cour de Cassation, la Cour d’appel aurait dû rechercher le nom de cet organisme et soumettre cet élément au débat contradictoire sur la preuve.
Ainsi, pour la Cour de cassation, la mention de cet organisme sur le procès verbal est importante pour que l’on puisse s’assurer de la fiabilité de l’instrument de mesure de la vitesse de la conduite de l’automobiliste.
Cette solution doit être approuvée.
Rappelons tout d’abord que l’arrêté du 4 juin 2009, modifié par l’arrêté du 17 janvier 2013, précise que les cinémomètres sont soumis à une vérification primitive (vérification de première mise en route) et à une vérification périodique (vérification de fonctionnement tous les ans ou tous les deux ans pour les instruments neufs), afin que l’on s’assure de leur conformité et de leur bon fonctionnement.
Si la Cour de cassation considère que le constructeur d’un cinémomètre peut lui-même faire la vérification primitive, en revanche il ne peut pas faire la vérification annuelle de l’appareil tous les ans.
Cass. Crim, 29 septembre 2010, N°10-80792
Ainsi, le nom de l’organisme qui doit procéder à la vérification annuelle est très important.
Si le procès verbal ne mentionne pas le nom de cet organisme, il est impossible de savoir s’il s’agit du fabriquant constructeur, d’un organisme agrée ou d’une entreprise quelconque.
Ce d’autant plus que l’article 20 de l’arrêté susvisé et l’article 31 du décret N°2001-387 du 3 mai 2001 sont formels : la vérification périodique est effectuée par un organisme désigné à cet effet par le ministre chargé de l’industrie (LNE ou SGS) ou par l’autorité locale en charge de la métrologie légale (la DIRECCTE) en l’absence d’organisme désigné.
Sans cette précision, on ne peut avoir aucune certitude quant à la régularité de la vérification périodique et a fortiori quant à la fiabilité de l’instrument de mesure.
Revenons à notre affaire :
La Cour de cassation casse donc cet arrêt de la Cour d’Appel de Lyon en date du 23 juin 2015, et renvoie cette affaire devant la même Cour d’Appel, autrement composée, pour qu’elle soit rejugée.
Pour la suite, que va-t-il se passer ?
Il est très vraisemblable que la Cour d’Appel, saisie de cette difficulté, ordonnera, dans le cadre d’un supplément d’information, la communication du carnet de métrologie (carnet de renseignements sur l’instrument de mesure) afin que le débat contradictoire sur la preuve puisse se poursuivre, avant de prendre une décision.
Une fois que cette information primordiale sera communiquée :
La nécessité de déposer des conclusions écrites en droit routier et procédure pénale pour obtenir réponse aux arguments invoqués :
Dans une affaire, un véhicule est contrôlé au moyen d’un cinémomètre à la vitesse de 63 km/h alors que la vitesse autorisée était limitée à 50 Km/h.
Le titulaire du certificat d’immatriculation est alors poursuivi devant la juridiction de proximité de Paris.
Il ne comparaît pas à l’audience, mais charge un avocat pour le défendre, lequel n’a pas de pouvoir de représentation, mais est entendu à l’audience.
Malgré les arguments invoqués, le Juge de proximité de Paris déclare coupable son client d’excès de vitesse et le condamne à une peine d’amende de 135 €, considérant qu’il résultait des débats de l’audience et des pièces de la procédure qu’il a bien commis les faits reprochés.
L’avocat intente un pourvoi en cassation, considérant que la juridiction de proximité n’a pas répondu aux arguments invoqués, notamment sur la violation de l’article L 121-3 du Code de la route qui fait une différence entre le responsable pécuniaire et le responsable pénal.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’avocat, considérant que la juridiction de proximité a apprécié souverainement, et rappelant que la juridiction n’était pas saisie de conclusions régulièrement déposées auxquelles elle aurait dû répondre.
Cass. Crim., 16 mars 2016, N°15-83737
Cette décision est intéressante en ce qu’elle rappelle, qu’il est obligatoire de déposer régulièrement des conclusions, si l’on veut absolument obtenir réponse aux arguments invoqués.
Ceci est très important, notamment lorsqu’il s’agit de soulever des moyens de nullité de la procédure ou lorsqu’il s’agit d’invoquer de sérieux arguments de fond.
Au sujet des nullités, l’article 385 du Code de procédure pénale rappelle que dans tous les cas, les exceptions de nullité de procédure doivent être présentées devant le Tribunal avant toute défense au fond.
Si ces nullités étaient soulevées oralement et non écrites, rien n’interdit au Tribunal de ne pas y répondre.
De même, en l’absence d’écrits, il est difficile de prouver devant la Cour d’Appel que des moyens de nullité ont été invoqués en première instance.
En effet, l’on s’expose à l’irrecevabilité de soulever ces moyens de nullité devant la Cour, considérant que les moyens de nullité sont soulevés pour la toute première fois devant cette juridiction.
La jurisprudence est constante quant à l’irrecevabilité d’un moyen de nullité soulevé pour la première fois en cause d’appel ou devant la Cour de cassation.
Cass. Crim., 12 octobre 2014, N°12-83594
Il existe donc un risque très sérieux à ne pas établir des écritures, soulevant nullités, exceptions ou arguments de fond.
Qu’il s’agisse de moyens de nullité ou d’arguments de fond, l’article 459 du Code de procédure pénale rappelle que le prévenu, les autres parties et leurs avocats peuvent déposer des conclusions, lesquelles sont visées par le président et le greffier qui mentionne ce dépôt sur les notes d’audience.
En déposant régulièrement des conclusions, l’article 459 alinéa 2 du Code de procédure pénale oblige le tribunal d’y répondre et de joindre au fond les incidents et les exceptions dont il est saisi, pour statuer par un seul et même jugement.
Le tribunal rendra son jugement, en se prononçant d’abord sur l’exception puis ensuite sur le fond.
Ainsi, dans l’affaire relatée plus haut, l’avocat, qui n’avait pas de pouvoir de représentation de son client, ne pouvait pas reprocher à la juridiction de proximité de ne pas avoir répondu à ses arguments, puisque conformément à l’article 459 du CPP, seules les conclusions régulièrement déposées faisaient obligation à la juridiction d’y répondre.
Même en l’absence de pouvoir de représentation, s’il avait seulement déposé des conclusions écrites, celles-ci auraient été considérées comme valant pouvoir de représentation.
En effet, le dépôt de conclusions écrites induit que l’avocat agit en vertu d’un mandat de représentation de son client absent.
Cass. Crim, 14 octobre 2008, N°08-81617
Et bien évidemment, la juridiction de proximité aurait été dans l’obligation de répondre à tous les arguments invoqués par l’avocat.
Enfin, en déposant des conclusions qui valent mandat de représentation, la décision judiciaire rendue sera considérée comme contradictoire, ce qui fera courir dès le lendemain le délai pour faire un recours (appel ou cassation).
Enfin, il convient de préciser que si l’automobiliste a été contraint de faire un pourvoi en cassation, c’est en raison du fait qu’il ne pouvait pas faire appel.
En effet, conformément à l’article 546 du Code pénal, l’appel n’est possible que :
En l’espèce, dans la mesure où l’automobiliste n’a été condamné que d’une peine d’amende de 135 € (soit inférieure à 150 €), il ne pouvait pas faire appel. Seul le pourvoi en cassation était possible.
Sur le délai de prescription en matière contraventionnelle pour inobservation de l'arrêt imposé par un feu de signalisation :
Dans une affaire, il est reproché à un automobiliste d'avoir commis la contravention d'inobservation de l'arrêt imposé par un feu de signalisation.
Celui-ci reçoit l'avis de contravention en date du 17 décembre 2013 et forme une requête en exonération de l'amende forfaitaire devant l'officier du ministère public de RENNES (OMP).
Destinataire des contestations, le 21 janvier 2014, l'officier du ministère public de Rennes transmet la procédure à l'officier du ministère public compétent près la juridiction de proximité d'Avignon.
Le 13 janvier 2015, l'OMP d'Avignon décide de prendre des réquisitions de poursuites devant la juridiction de proximité d'Avignon et transmet à un huissier de justice un mandement par lequel il lui demande de délivrer à cet automobiliste une citation (ou convocation en justice) à comparaître devant la juridiction pour une audience fixée le 11 mars 2015.
Cette citation est délivrée au mis en cause le 30 janvier 2015.
Au jour de l'audience, l'automobiliste soulève la prescription de l'action publique (délai d’une année pour que le Ministère public le poursuive en justice).
Il énonce que si l'infraction reprochée est bien commise le 17 décembre 2013, l'OMP de RENNES a décidé de saisir l'OMP d'Avignon le 21 janvier 2014 et que ce dernier avait jusqu'au 21 janvier 2015 (donc un an maximum) pour le poursuivre devant la juridiction de proximité.
Il poursuit son argumentation en indiquant qu'en ne recevant sa citation à comparaître (la convocation en justice) que le 30 janvier 2015 (pour une audience le 11/03/2015), le délai d'un an pour le poursuivre est dépassé.
Le juge de proximité donne gain de cause à l'automobiliste, considérant que l'infraction contraventionnelle est prescrite.
Le juge considère que l'OMP d'Avignon ne prouve pas qu'il a transmis le mandement de citation à l'huissier de justice avant l'expiration du délai de prescription (donc avant le 21 janvier 2015).
Cette décision est cassée par la Cour de Cassation aux motifs :
Cass. Crim., 16 mars 2016, N 15-84724
La poursuite pénale d'une personne mise en cause pour avoir commis une contravention est, sauf texte dérogatoire, soumis au délai de prescription d'une année.
L'article 9 du Code de procédure pénale prévoit expressément que pour les contraventions, la prescription de l'action publique est d'une année révolue (à compter du jour où la contravention a été commise).
L'article 7 du même code ajouté une nuance : "si, dans cet intervalle (1 an), il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite".
Ainsi, si l'infraction donne lieu à des procès verbaux d'enquête ou si celle-ci donne lieu à un acte de poursuite du contrevenant, ce dans le délai d'un an, cela interrompt le délai et fait courir un nouveau délai d'un an à compter de l'accomplissement du dernier acte d'enquête ou à compter de l'acte de poursuite (appelé aussi citation en justice).
Cet arrêt de la Cour de Cassation du 16 mars 2016 rappelle le principe selon lequel la directive donnée par le parquet à l'huissier de justice pour faire convoquer une personne en justice constitue un acte de poursuite.
Dès lors cet acte permet d'interrompre le délai de prescription et fait donc courir un nouveau délai d'un an.
Et en l'absence de date certaine pour calculer le point de départ du délai d'un an, l'on peut se contenter de la date de cet ordre du parquet délivré à l'huissier de justice.
En l'occurrence, dans l'affaire décrite ci-dessus, la date retenue est celle du 13 janvier 2015, date à laquelle l'OMP d'Avignon a demandé à l'huissier de justice d'adresser la convocation de l'automobiliste.
En résumé :
L'infraction étant commise le 17 décembre 2013, au regard de l’article 9 du CPP, la poursuite pénale en justice doit en principe être exercée dans le délai d'un an, soit avant le 17 décembre 2014.
Mais, comme l'OMP de Rennes (destinataire des contestations de l'automobiliste) décide de saisir l'OMP d'Avignon le 21 janvier 2014, le délai d'un an redémarre à compter de cette date. Donc la poursuite pénale doit être exercée avant le 21 janvier 2015.
Mais, avant le 21/01/2015, l'OMP d'Avignon demande le 13/01/2015 à un huissier de délivrer une convocation en justice. La Cour de Cassation considère donc que cette demande de poursuivre est un acte de poursuite et qu'un nouveau délai d'un an redémarre à compter du 13/01/2015 pour se terminer au 13/01/2016.
Ainsi, lorsque l’automobiliste reçoit sa convocation en justice le 30/01/2015, la contravention de l’inobservation de l’arrêt imposé par un feu de signalisation n’est pas prescrite.
Mais, cette convocation en justice étant également un acte de poursuite, le délai d’un an redémarre à compter du 30/01/2015 jusqu’au 30 janvier 2016.
Lors de l’audience du 11 mars 2015, l’infraction n’était donc pas prescrite, et la Juridiction de proximité ne pouvait donc donner gain de cause à l’automobiliste.
Telle est la solution de la Cour de Cassation.
La chambre criminelle a déjà défini ce que l’on entendait par « acte d’instruction ou de poursuite», acte qui permet de suspendre le délai de prescription et de lui permettre de redémarrer :
Pour la Cour de cassation, ce sont des actes « qui ont pour objet de constater une infraction, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs ».
Cass. Crim, 7 mars 1961, Bull. crim. N°142 ; Cass. Crim., 23 juin 1998, Bull. Crim. N°203
Elle avait déjà jugé qu’un mandement de citation adressé à un huissier de justice pour délivrer une citation à comparaître en justice est un acte de poursuite qui interrompt le délai de prescription de l’action publique.
Cass. Crim, 28 janvier 1988, N°44 ; Cass. Crim., 13 février 1990, Bull. crim N° 74 ; Cass. Crim, 13 novembre 1991, N°406
En revanche, elle avait jugé que n’était pas interruptif de prescription le simple mandement figurant au dossier mais n’ayant jamais été transmis à l’huissier de justice en vue de la délivrance de la convocation en justice.
Cass. Crim, 16 février 1999, Bull. Crim. N°21
Mais, le mandement de citation transmis par le procureur général au procureur de la république, en vue de saisir un huissier de justice a été considéré comme un acte de poursuite qui interrompt le délai de prescription.
Cass. Crim, 13 décembre 2005, Bull. Crim. N°331
Enfin, constitue un acte de poursuite, interruptif de la prescription de l’action publique, la transmission de la procédure, par l’OMP, destinataire des contestations en matière de contravention, à l’OMP territorialement compétent en raison du domicile de l’auteur de la contravention.
Cass. Crim, 5 mars 2013, N°12-84527
Nullité des opérations de dépistage de l’imprégnation alcoolique :
Dans une affaire, le 20 février 2013 à 1H18 au 75 rue de la Faisanderie à PARIS XVIème arrondissement, un automobiliste fait l’objet d’un dépistage de son imprégnation alcoolique (éthylotest) par un agent de police judiciaire qui exécutait un contrôle préventif.
Ce dépistage s’étant révélé positif, l’automobiliste se soumet aux opérations de vérification de son imprégnation alcoolique par éthylomètre, qui révèle la présence dans l’air expiré d’un taux d’alcool de 0.39 mg/litre.
Ce dernier est poursuivi devant la juridiction de proximité de Paris.
A l’audience, il est soulevé une exception de nullité du procès verbal de constatation de l’infraction, qui ne précisait pas la nature de l’ordre reçu par l’agent de police.
En effet, la question se posait de savoir si l’agent de police avait bien reçu un ordre d’un officier de police judiciaire, lui permettant de procéder à un contrôle préventif aux heures et lieu de la constatation de l’infraction.
Le Juge de proximité rejette l’exception de nullité. Appel du jugement est alors formé.
Devant la Cour d’Appel de Paris, la même exception de nullité est formulée.
De nouveau, la Cour d’Appel de Paris rejette la demande d’annulation du procès verbal de constatation de l’infraction, considérant que le procès verbal mentionne l’heure et le lieu du contrôle et que ledit procès verbal mention expressément que l’agent de police judiciaire a agi sous l’autorité de deux officiers de police judiciaire.
La Cour d’Appel de Paris rend un arrêt en date du 11 septembre 2015, déclarant coupable l’automobiliste de conduite de véhicule sous l’empire d’un état alcoolique et le condamne à une peine de 300 € d’amende et à un mois et quinze jours de suspension de son permis de conduire.
A la suite d’un pourvoi, la Cour de Cassation casse cet arrêt.
En effet, la Cour d’Appel n’a pas justifié sa décision, en ne recherchant si l’ordre reçu de l’officier de police judiciaire permettait à l’agent de police un contrôle préventif aux heure et lieu de la constatation de l’infraction.
Cass. Crim., 22 mars 2016, N°15-86093
Quelques explications pour expliquer cette solution :
L’article L 234-9 du Code de la route prévoit que même en l’absence d’accident ou d’infraction préalable, les officiers de police judiciaire (OPJ) de la gendarmerie ou de la police nationale territorialement compétents peuvent, soit à leur initiative, soit sur l’instruction du procureur de la république, soumettre tout automobiliste à un contrôle préventif de l’éthylotest (dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’air expiré).
Ce texte précise que s’agissant des agents de police judiciaire (APJ) et des agents de police judiciaire adjoints (APJA), ils ne peuvent effectuer ce contrôle préventif, qu’à la condition qu’ils agissent :
Dans l’affaire relatée ci-dessus, le procès verbal de constatation de l’infraction mentionnait seulement que l’agent de police judiciaire avait « agi sous l’autorité des officiers de police judiciaire ».
Mais, cette seule mention est insuffisante.
La Cour de Cassation exige que l’on recherche si l’ordre reçu par l’APJ de l’OPJ permettait un tel contrôle préventif.
A défaut de justifier la nature de cet ordre, les opérations de dépistage de l’imprégnation alcoolique s’avèrent illégales, puisqu’il n’est pas établi que l’APJ a vraiment agi régulièrement dans le cadre des dispositions de l’article L 234-9 du Code de la route.
Cet arrêt est intéressant car bien souvent, dans les dossiers de procédure, lorsque le contrôle préventif est effectué par l’APJ, cette mention selon laquelle il agi sous l’autorité de l’OPJ figure dans les procès verbaux, mais sans qu’il ne soit joint expressément l’ordre reçu.
La Cour d’Appel de Paris, qui doit rejugé cette affaire, devra donc vérifier la réalité et la nature de cet ordre.
Si la nature de cet ordre de l’OPJ est absent des débats, la Cour annulera le procès verbal de constatation de l’infraction, de sorte qu’il ne sera pas possible de condamner l’automobiliste de conduite sous l’empire d’un état alcoolique.
Une requalification de l’infraction en conduite en état d’ivresse manifeste est toutefois possible à la demande du Parquet Général. Encore faut-il que les éléments de la procédure non annulés permettent de vérifier un tel état.
Si, au cours d’un supplément d’information, l’établissement de l’ordre de l’OPJ permet de constater que l’APJ a bien agi sous cette autorité pour effectuer un contrôle préventif, le PV de constatation de l’infraction ne sera pas annulé et l’automobiliste se verra une nouvelle fois déclaré coupable et condamné.
Affaire à suivre…
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